LE GRAND DÉSORDRE DANS LES CORPS

Parsami Benyounes

LE GRAND DÉSORDRE DANS LES CORPS

1er Colloque de Psychanalyse & Médecine organisé par le Docteur David Briard et Emmanuelle Borgnis-Desbordes pour l’Association de la cause freudienne – Val de Loire Bretagne (ACF-VLB). Ce colloque aura lieu à Rennes, le 13 avril 2018.


 

Les recherches scientifiques témoignent chaque jour de progrès réjouissants mais non moins inquiétants.

C’est inquiétant quand ils s’appliquent systématiquement aux corps et aux êtres, toujours plus conformes aux nouveaux idéaux qu’offre la modernité. Ce passage de l’idéal à la réalité suscite de nouvelles demandes au corps médical qui ne sont pas sans poser des questions éminemment éthiques. Nous ne pouvons que constater les progrès scientifiques indéniables au niveau de l’assistance robotique en chirurgie qui permet des coupes comme des sutures davantage précises, reproductibles et moins invasives, de nouveaux traitements qui tentent de s’approcher au plus près de l’anomalie biologique d’une maladie, de nouvelles technologies informatiques qui progressent à assister le médecin dans ses diagnostics, des améliorations indéniables en terme de Procréation Médicalement Assistée et les prouesses aujourd’hui évidentes en Néonatalogie… Si la médecine ne cesse de progresser, elle est aussi confrontée à sa propre limite et rencontre son propre envers : les sujets sont de plus en plus assurés que la médecine peut tout traiter, tout guérir, tout prévenir ; elle peut inverser le cours d’un fonctionnement, restaurer un défaut, remodeler un corps à l’envi. Orientées de ces idéaux qui tendent à rejoindre la réalité, les demandes sont de plus en plus urgentes, de plus en plus exigeantes et les médecins commencent à être soumis à des injonctions thérapeutiques qui bien souvent les dépassent.

 

Là où la science fait progresser la médecine, elle soutient aussi la production d’un savoir « absolu » supposé pouvoir répondre à tout.

Le corps ne se réduit pourtant pas à un organisme : une subjectivité le traverse, une subjectivité qu’aucun progrès scientifique ne suffira à saturer. Le monde médical se voit aujourd’hui divisé entre d’un côté, les progrès de la science qui s’appliquent à la pratique, et de l’autre, des demandes de plus en plus exigeantes auxquelles les médecins ne peuvent plus répondre sans un discernement éthique… Notion qui sera mis en évidence lors du colloque.

La science change le rapport au monde de chaque sujet en entretenant l’idéal d’un « tout possible » et la rencontre patient-médecin peut s’en trouver impacté. Là où cette rencontre est avant tout une aventure humaine, la dimension subjective tend aujourd’hui à passer à l’arrière-plan. À l’attente légitime d’être accompagné dans un suivi thérapeutique, qui engage autant le corps que la rencontre humaine, se substitue une volonté des patients d’obtenir un corps réparé, restauré et guéri qui, finalement est un corps sans sujet. Cette volonté parfois féroce de rejoindre l’idéal n’est pas sans rapport avec ce que cette modernité induit : la destruction des « semblants » corrélative au délitement du lien social pourtant si important dans l’expérience humaine.

 

La pratique et les travaux du Professeur François Ansermet :

Ses travaux, s’ils concernent lesdits « troubles dans le genre », pourraient bien nous enseigner et se transposer à la pratique médicale en général, car ils engagent les questions du corps et du sexe, soit l’inscription de l’être dans le monde. Il sera l’invité d’honneur de la journée et pourra éclairer sur les avancées et les limites de ces nouvelles demandes faites aux médecins en matière de « genre ». À l’ère de l’égalité forcée entre les sexes, de l’universalisation des rapports et des êtres, la médecine est, par exemple, aujourd’hui sommée de répondre à des questions qui lui sont adressées sur « le genre ».

Il est devenu possible aujourd’hui de « bricoler parallèlement les sexualités », d’intervenir sur un sexe ou un fonctionnement hormonal plus conforme à une orientation sexuelle. La position du médecin demande réflexion. Se faire homme ou femme aujourd’hui relève d’un ordre « devenu fluide » nous dit le Pr. François Ansermet, et ouvre, logiquement à de nouvelles demandes. Mais derrière ces demandes, il s’agit d’entendre aussi une subjectivité agissante. Il nous indique en quoi la psychanalyse s’intéresse à la médecine et à son objet, le corps :

« quand on touche au vivant, on touche aussi au langage ».

 

Toucher au corps, c’est toucher au « vivant » du corps, un « corps parlé » dont se supporte tout « être parlant ».

Interprétons donc autrement les désordres qui touchent au corps : ils signent un changement dans l’appréhension des corps et dans le rapport à l’idéal à l’heure contemporaine. Les patientes anorexiques, de plus en plus jeunes sont en inflation. Avec le surgissement de leur soudaine et précoce puberté, ces patientes n’ont plus que leur corps pour dire la « précarité » de leur rapport au monde : un corps aussi maigre que leur prise de parole. Façonner les corps est aussi l’objet des demandes faites vers la chirurgie plastique, demandes qui obéissent à une commande de plus en plus exigeante de la part de sujets qui déplacent sur le médecin leur nouvel idéal, irréalisable. Ou encore, les désordres d’un corps dont le « genre » ne correspond plus à la « réalité psychique » ou « idéale » du sujet, corps sur lequel il serait préconisé d’intervenir dès la puberté.

Les corps sont à modifier, parce que rien ne semble plus « ordonner » le rapport au monde des sujets, déboussolés.

Autant de « situations cliniques » qui nous enseignent sur un malentendu, un désordre inhérent au corps parce qu’il n’est justement pas qu’un organe ou qu’un organisme, mais qu’il est un « corps parlé », traversé par une dimension qui nous échappe et qui signe toute la singularité. « Parlé » ne veut pas dire qu’il ne faut pas entendre la demande d’un patient qui souhaite éliminer une rondeur de son corps qui lui semble trop féminisante. Mais il s’agit aussi d’entendre l’opposition d’un patient qui refuse une gynécoplastie parce qu’elle a une fonction pour lui dans son orientation sexuelle. Quelle que soit la possible étrangeté des demandes, celles-ci doivent être prises au sérieux, car elles sous-tendent toujours pour le sujet un « réel » impossible à supporter auquel le médecin est confronté et trop souvent sommé de répondre.

Jacques Lacan s’exprimait ainsi :

« tout le monde est fou, c’est-à-dire délirant »

Miller y apportera son éclairage en avançant que :

« ce n’est pas une plaisanterie ! cela traduit l’extension de la catégorie de la folie à tous les êtres parlant qui souffrent de la même carence de savoir en ce qui concerne la sexualité ».

 

Nous sommes donc tous Sujet d’une carence de savoir et c’est dans cette faille que peut s’inventer, s’éclairer, se préciser et se mettre au travail un rapport nouveau du patient avec son médecin.

La journée se voudra éminemment clinique afin d’explorer les inventions possibles, toujours singulières, des sujets : une clinique du cas par cas. Le médecin n’a d’autre choix aujourd’hui que de sortir du discours commun et se faire inventeur d’un lien social nouveau : il faut suivre « les voies à chaque fois singulières et nouvelles d’inventions qui ne cessent de surprendre, et faciliter ces trouvailles qui protègent le sujet de ce réel impossible à supporter ».

Le psychanalyste s’intéresse à ces désordres dans le corps, à ses ressorts et à ses incidences, et il sait que ses « analysants » auront à trouver de nouveaux appuis pour trouver inscription et régulation dans cette modernité déboussolée. Tous les soignants, tous ceux qui accueillent la parole d’un patient et les extravagances de ses demandes, sont convoqués à répondre d’une manière ou d’une autre aux nouvelles exigences de cette « féroce » modernité.

 

Les thématiques abordées lors de ce colloque :

« Le Grand désordre dans les corps » sera abordé à partir de trois thématiques cliniques : la différence des sexes, l’anorexie mentale et la chirurgie plastique. La journée se déroulera sous la forme de conférences, de conversations, d’exposés et d’échanges lors desquels chacun, médecins, infirmières, internes, externes… psychanalystes, aura la parole. Une attention toute particulière sera accordée à la réalité de la pratique médicale et paramédicale.

 

Lieux

Rennes

Date

13 Avril 2018

 

> Lien de l’événement et formulaire d’inscription

> Renseignement : 02 23 30 27 64 – ime.rennes@wanadoo.fr

 

Source :  www.santementale.fr  /  www.associationcausefreudienne-vlb.com

 


 

À propos de l’auteur

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