La psychothérapie à l’épreuve du numérique

ParCyrille Bertrand

La psychothérapie à l’épreuve du numérique

L’espace du numérique avec la visioconférence, nous a permis de traverser cette période COVID tant bien que mal et cela continue… Pour autant, pouvons-nous encore traiter nos clients/patients d’une manière optimale alors que la visio est entrée dans nos pratiques ?


La pratique de la psychothérapie est donc aujourd’hui en question, à la croisée d’interrogations morale-éthique-déontologique…

Ce nouvel espace numérique a permis de garder le contact et au mieux d’entretenir les relations existantes mais n’a pas permis de continuer de développer le lien ou d’en créer.

Quelle incidence sur la relation thérapeutique, le suivi des psychothérapies en cours et celles qui ont démarré sur une base visio ?

Dire que je suis inquiet, ce serait un peu exagéré mais je suis pour le moins préoccupé que certains psychothérapeutes pensent qu’il est possible de faire un travail probant par l’intermédiaire de la visio… Il en va de même d’un bon nombre de formations à la relation qui apparaissent sur le net sans rencontre dans le réel…

Peut-on imaginer former, voire soigner au sens psychothérapeutique du terme à distance, derrière un écran ?

Comment est-il possible de restaurer l’enjeu d’attachement auprès de nos clients notamment les personnalités avec un fonctionnement limite ? Sachant les dégâts produits sur les jeunes enfants qui sont mis derrière un écran plutôt que d’être en interaction avec leur environnement humain…

Comment pouvons-nous réguler avec nos clients la question de la honte dans l’enjeu d’estime de Soi ?

Par la suite comment sera-t-il possible de travailler la différenciation et la séparation sachant que les deux premiers enjeux n’auront pas été régulé avec la présence du thérapeute ? Comment seront traités les enjeux d’amour et sexualité ? Cela ne risque-t-il pas de laisser des humains incapables de supporter la frustration ?

Je ne suis pas contre l’évolution technologique et le progrès des sciences, NGI en tant qu’Institut est toujours en recherche, notamment sur les recherches les plus avancées sur le cerveau. Néanmoins, la place de la relation et du lien doit rester première, nous sommes des mammifères pour le meilleur et pour le pire…

… le « clic & collect » ne fonctionne pas dans les relations …

La science doit être au service de l’humain et non se substituer dans ce qu’il y a d’essentiel dans l’humanité.

La relation et l’action sont les deux remèdes à l’anxiété, celles-ci ont été mises à rude épreuve ces derniers mois. Il est temps que les clients regagnent le chemin des cabinets pour retrouver un humain qui l’écoute sans le « masque de l’écran ! »

Oui, je sais la visio fait gagner du temps dans les transports, on reste chez soi, etc… être en relation cela demande un effort afin de rencontrer l’autre, le « clic & collect » ne fonctionne pas dans les relations …

Aller en psychothérapie inclut le temps de la remise en cause, de la réflexion, du ressenti, de prendre le temps de son rdv, se poser, partager avec son psy ce qui est sensible puis laisser décanter jusqu’à la semaine suivante.

C’est un effort au sens de la discipline, encore et encore, de toujours emprunter le chemin du questionnement. Nous pouvons aider nos clients à penser leurs difficultés, toutefois le simple fait de notre présence permet de les « panser ». Selon Schore, notre présence régulée permet d’endiguer psychiquement nos clients.

Derrière un écran, nous pouvons tout au mieux réussir une « régulation rationnelle » mais pas « émotionnelle » …

Ne reproduisons pas avec nos clients en visio, ce que le parent ferait avec un enfant en le mettant devant un écran…

Nous nous privons également de toute la communication implicite, circulant entre les cerveaux droits du client et du thérapeute, qui permet de « goûter » le monde interne du client. Derrière un écran, nous nous protégeons de cette atmosphère si spécifique d’une séance de psychothérapie, nous reproduisons le vide vécu et connu par les personnes souffrant de troubles de la personnalité. La reproduction sera caractérisée par le fait de recréer un espace où le client ne sera que trop peu reflété et régulé comme dans son histoire développementale.

Les professionnels qui habituellement refusent le diagnostic, car vu comme déshumanisant, vont devenir des « diagnosticiens de la relation » en restant derrière leur écran…, plutôt que de permettre à leur client de vivre une expérience humaine complexe et potentiellement réparatrice.

Avec NGI, nous allons continuer nos formations à la Psychothérapie du Lien et aux neurosciences affectives en présentiel tout en étant en accord avec les règles sanitaires en vigueur. Comme tout « bon » Gestaltitste apprenons à vivre avec notre environnement.

Je vous souhaite de bonnes vacances et une rentrée en présentiel !

Au plaisir de vous rencontrer lors d’une de nos prochaines formations.


> Articles en liens : 

L’Attachement : le développement psycho-affectif (2/4)

L’Estime de soi : le développement psycho-affectif (3/4)

Eros/Ethos : le développement psycho-affectif (4/4)

> Formations en liens avec cet article  :

INTRODUCTION PGRO

LA TRILOGIE

PSYCHOTHERAPIE ET NSA


À propos de l’auteur

Cyrille Bertrand editor

Fondateur et Directeur pédagogique de NGI

4 comments so far

MAUGER COMBEPublié le11:14 pm - Août 6, 2021

J’ai lu avec grand plaisir Cyrille, ton dernier article ! Je partage pleinement son contenu , vivifiant, clair , je te reconnais et il me réconforte pour notre métier et les clients.
Je suis préoccupée aussi par plusieurs collègues qui semblent devenu(e)s serein(e)s à prolonger ou adopter les séances en visio …
Laissant « le choix » au client..!
Je vais leur faire part de ton texte.
Merci pour ce bon moment partagé.
Je te souhaite de belles vacances !
Avec mon affection, florence

Valérie CANTINPublié le11:31 am - Oct 8, 2021

Bonjour Cyrille,
Je suis tellement convaincue par ton propos que je n’ai plus fait de visio pour les séances individuelles après le 1er confinement .
Au retour en cabinet en mai 2020, je me suis réjouie d’entendre les clients dire combien le présentiel leur avait manqué et qu’ils ne souhaitaient pas poursuivre en visio par « manque de contact ».
Belle journée !

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