Après Jaak Panksepp et Allan Schore, voici Peter Fonagy pour évoquer la question de la Mentalisation et ainsi clore cette série d’articles dédiés aux neurosciences affectives !
« Mentaliser est une forme d’activité mentale imaginative, au sujet de soi et d’autrui, afin de notamment percevoir interpréter le comportement humain en termes d’états mentaux intentionnels (par exemple besoins, désirs, sentiments, croyance, buts, intentions et raisons) »
En cinq points c’est :
C’est un concept troublant car à la fois « simple » dans sa compréhension et la représentation que l’on peut s’en faire car la mentalisation existe depuis que l’humanité existe ! « … la mentalisation est l’approche thérapeutique la moins nouvelle qu’on puisse imaginer : elle cible la capacité humaine fondamentale d’appréhender l’esprit en tant que tel. Garder l’esprit à l’esprit est tout aussi ancien que l’existence humaine et la conscience de soi. » Allen & Fonagy (2006) et par ailleurs très « difficile à manœuvrer » pour le thérapeute soumis à ses propres difficultés à mentaliser.
La mentalisation n’est pas un état stable que l’on chercherait à trouver, la mentalisation est un « processus opaque et fragile » ! Il y a des dimensions multiples dans le processus de mentaliser :
• Soi et Autrui
Cela se traduit par une différenciation en adoptant la perspective de l’autre par rapport à soi et en réduisant l’impact de l’autre sur soi.
• Implicite-automatique et explicite-contrôlée
Cette dimension est essentielle afin de remettre en question les suppositions automatiques, se dégager de l’implicite qui colorerait d’emblée toute relation.
• Interne et externe
C’est l’élaboration sur ces propres représentations internes et celles d’autrui afin de remettre en question les jugements « superficiels » basés sur les apparences.
• Affect et cognition
L’importance de relier émotions et pensées afin qu’il y ait le moins de clivage possible entre affect et cognition.
Nous pouvons voir à travers ces multi-dimensions que si nous élaborons, cela permet de gérer l’arousal (activation physique) déclenché dans les systèmes relationnels, notamment dans le processus d’attachement des personnes ayant un trouble de la personnalité limite.
Je pense que la plupart du temps, nous avons une activité mentalisante satisfaisante, sauf dans au moins deux cas… Le premier, quand une personne souffre de trouble de la personnalité et le deuxième, quand une personne est sous stress, qu’il soit un problème relationnel, une rupture, une surcharge de travail, … Dans ces deux cas, les personnes sont restées ou retombent dans des modes de pré-mentalisation. Les modes en question sont le mode Téléologique, le mode équivalence psychique et le mode semblant.
• Téléologique
C’est le mode où nous avons une compréhension de l’environnement à travers des actions physiques par opposition à des représentations mentales. Cela peut se traduire par la présence d’une personne ou d’un objet, le doudou en est un bel exemple… Sentir, toucher est important mais nous ne pouvons pas fonctionner uniquement sur ce mode et ce sera vrai pour les autres modes pré-mentalisants.
• Équivalence psychique
Même si ce mode est nécessaire dans le développement de l’enfant, il est souffrant à l’âge adulte ! La réalité mentale de la personne est vécue comme la réalité extérieur donc toute autre perspective est intolérable…
• Mode semblant
Il n’y a pas de pont entre la réalité intérieure et extérieure, cela crée une dissociation de la pensée propre. La personne semble mentaliser mais c’est une pseudo mentalisation… Son monde interne est pauvre d’où une vulnérabilité à fusionner avec les autres.
Cela demande de l’entrainement et de la pratique de repérer en cours de séance ces modes pré-mentalisant. Ceux-ci sont une façon pour nos clients de gérer l’affect dans l’ci et maintenant, nous devons à la fois les réguler et mettre du sens sur l’expérience qu’ils sont en train de vivre.
Dans les Thérapies Basées sur la Mentalisation (TBM), il y a un point clé quant à la posture du thérapeute ! C’est la posture du « Non Savoir » que nous retrouvons en Psychothérapie du Lien avec le dialogue herméneutique où nous cherchons nos seulement à co-constuire le sens de l’expérience mais également porter le temps qu’il est nécessaire la partie non régulée du client.
Dans cette posture du « Non Savoir » au fond il est possible de se tromper, d’interroger l’évidence des croyances et autres états mentaux, questionner l’impact, être à la recherche de l’affect qui n’a pas été reflété. Je pense que le piège de la mentalisation, c’est de vouloir pour notre client plutôt que de l’accueillir dans son expérience même incomplète.
Le but de ce processus de mentalisation est de créer ou re-créer la confiance épistémique nécessaire pour apprendre au contact de l’autre et favoriser l’attachement sécure. Ce processus est le sommet de la régulation affective !
Après ces trois articles sur les neurosciences affectives, j’ai conscience que c’est une petite partie que je vous ai exposé ! J’espère que cela vous donnera le goût de vous y intéresser plus en profondeur et vous rencontrer lors de nos formations qui traitent de ces sujets importants pour le traitement psychothérapeutique.
Pendant cette période de confinement, notre activité mentalisante est sollicitée et il est facile d’imaginer que bon nombre d’entre nous sont retombés dans des modes pré-mentalisants, ayons l’humilité de le reconnaitre ne serait ce que pour nos proches et nos clients.
Prenez soin de vous !
Référence de lecture: Mentaliser de Martin Debbané
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